Rencontrer des communs…qui ne savaient pas en être !
par Francesca Lachance
Dans cette aventure entreprise de découvrir les communs, j’ai eu la chance récemment de visiter un village qui en incarne le plein potentiel.
Mais avant tout, petit rappel de ce qu’est un commun?
Un commun, c’est d’abord un collectif de personnes qui tentent de satisfaire ensemble, par elles-mêmes et pour elles-mêmes un ou plusieurs de leurs besoins ou aspirations, par exemple se nourrir, se loger, se divertir, etc.
Pour y arriver, elles vont mettre en commun les ressources nécessaires, décider ensemble et s’entraider. Les communs mettent de l’avant des valeurs de partage, de soin, de participation, d’inclusion, de soutenabilité et de convivialité.
*Inspiré du travail d’Yves-Marie Abraham et du Collectif de Recherche sur les Initiatives, Transformations et Institutions des Communs (CRITIC)
Vous vous rappelez dans mon premier billet où je vous disais découvrir ce mouvement alors que je rêvais d’une telle initiative d’ampleur en mon for intérieur depuis si longtemps ?
Étonnamment, ces villageois·es rencontrés ne connaissaient pas les communs non plus ! Et pourtant, ils en sont un bel exemple et très connu qui plus est…
Il s’agit du village de St-Camille, en Estrie. Faits intéressants, St-Camille est un village d’initiatives depuis 100 ans. Initiative entrepreneuriale individuelle d’abord avec son tout premier habitant, un horloger, suivi d’une série d’initiatives entrepreneuriales collectives créées au fil du temps.
Mais revenons à cette visite. Ma collègue Camille et moi-même donc y avons été reçues par différent·es personnes incarnant des initiatives inspirantes dont une ayant même remporté le prix national de la ruralité en 2002, soit La Corvée dont nous parlerons plus bas.
Bien que la tentation soit forte de vous parler de chacun·e dont nous sommes tombées sous le charme, je m’en tiendrai à vous présenter les initiatives majoritairement discutées et visitées, afin de vous donner une idée de la forme que peuvent prendre les principes et les valeurs des communs.
Le Groupe du coin est la mobilisation d’un peu moins de dix personnes dans les années ’80, décidant de faire office de promoteurs afin de protéger le patrimoine du village et de le mettre au profit des besoins et des souhaits de ses habitant·es. Le groupe perdure depuis ce jour, rachetant des bâtisses comme l’ancien magasin général et le presbytère, pour y faire naître des initiatives telles Le Petit Bonheur et La Corvée.
Il est présenté comme « une sorte de magasin général de services, un centre communautaire et culturel, un lieu de rencontre au quotidien ouvert à toute la population ». Le Petit Bonheur représente un lieu où les gens du village, des entourages ou des visiteur·euses peuvent se rassembler pour partager un moment, profiter de l’offre de restauration du coin café si désiré et même assister à des spectacles variés. Chacun·e y est bienvenu·e, un véritable lieu de rencontre humain ! Pour ceux et celles familier·ières avec la sociologie urbaine, Le Petit Bonheur pourrait s’apparenter à un tiers-lieu.
Afin de pallier un besoin de logement dans le village, le presbytère fut acquis par le Groupe du coin pour mettre sur pied la coopérative d’habitation La Corvée. Une fois financée, cette dernière a pu racheter la bâtisse à un juste prix car les promoteur·trices du village ne cherchent pas le profit, mais plutôt de rendre accessible la propriété. Avec une majorité d’aîné·es, des gens de tous âges s’y côtoient et partagent moments informels et projets porteurs.
Le bien-être des aîné·es est d’une grande importance parmi les préoccupations de St-Camille. Alors que l’idée d’utiliser l’art pour y contribuer est soutenue par des résultats de recherche, Culture aux aînés voit le jour. Plusieurs initiatives sont déployées à travers de nombreuses collaborations.
J’ai réussi à vous rendre encore plus curieux·euses ? Vous aimeriez une recette ? …Il n’y en n’a pas. Mais au fil de nos discussions, voici certains éléments non-négligeables qui ont été mis en lumière :
Un leadership partagé
La présence d’une masse critique
Le Village bénéficie de piliers, natifs et porteurs des valeurs des communs
On y parle de partage des savoirs, de construction de la confiance, du « care », du droit à l’erreur, etc.
« On ne se dit jamais que ça ne se peut pas. »
La municipalité joue un rôle consultatif très important
La société civile porte le rôle de faire valoir les souhaits, besoins et propositions des citoyen·es
« Chacun a une responsabilité individuelle à se connaître :
Ce que je veux faire
Ce que je sais faire
Ce que j’aime faire »
Le village de St-Camille bénéficie également d’une instance fort intéressante, soit la Corporation de développement socioéconomique, laquelle joue un rôle pivot important. La corporation représente un réel liant dans la communauté, toujours à l’écoute des gens et à l'affût tant des besoins, des rêves, que des initiatives. Un réel savoir de mettre en lien les bonnes personnes et les diriger vers les ressources appropriées, facilitant et accélérant ainsi la concrétisation des projets.
Inspirant tout ça n’est-ce pas ?
Ces réalités ne sont pas réunies dans votre cas? Et/ou ne s’appliquent pas ? Cela ne devrait pas être un frein. Comme toute chose, on peut tout adopter en bloc et en faire un mode de vie, ou on peut décider d’y aller étape par étape ou encore, on peut choisir de se pencher sur un aspect uniquement, selon un axe spécifique.
L’idée des communs ne se veut pas un dogme, mais plutôt un processus autour de valeurs précises.
Je vous laisse sur cette phrase d’un acteur d’importance dans le village de St-Camille résumant l’esprit à incarner, sa recette à lui, mise en application et éprouvée :
« Tu vas voir ton monde, tu leur demande c’qui z’aiment faire, c’qui sont capable de faire, on s’met ensemble pis on l’fait ! » J. P.
Pour suivre nos partages sur différents enjeux du vieillissement dans les semaines à venir, restez à l'affût de mes billets en nous suivant!
Vous aimeriez contribuer ?
N’hésitez pas à nous partager ces questionnements que vous aimeriez nous voir creuser pour vous: francesca.lachance@presages.org. Cela alimentera nos recherches en tant que laboratoire d’innovation sociale.